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samedi 8 février 2014

Du thym et du laurier

Bilan de 172 jours de voyage

Franchement, lorsque nous imaginions ce voyage il y a maintenant presque 4 ans, il nous aurait apparu comme un sacrilège et une immense frustration de penser que l'on ne partirait qu'un petit 6 mois... Vous êtes témoins que nous en parlions de cette longue évasion !

A notre grande surprise, les choses sont allées beaucoup plus vite que prévues : les idées qui germent, l'analyse de notre ressenti, les nouvelles envies, la lassitude d'un mode de vie qui a ses limites etc. 
On aurait pu continuer pour plusieurs raisons, on préfère rentrer pour tout un tas d'autres, mais on rentre un peu changés, un peu différents, en en connaissant encore un peu plus sur nous même, et en en ayant appris aussi beaucoup sur les autres.

Une dernière fois, nous tenions à dresser un bilan de ce voyage : évoquer ce que l'on a ressenti et observé, et les quelques leçons qu'on en tire...

L'exotisme relatif
Cette partie aurait également pu s'appeler "Se sentir chez soi partout". Quel drôle et agréable sentiment.
Les premiers jours, les premières semaines du voyage, on emprunte. On arrive quelque part, chez une personne, on prend une douche en se sentant chez elle, on n'ose pas trop prendre de place. On est chez quelqu'un, on observe sa décoration, ses meubles, on peut s'y sentir très bien mais ce n'est pas chez nous.
Je pensais que ce sentiment durerait tout le long du voyage, en fait non, ce n'est pas vraiment que j'y pensais, je crois que ça me semblait logique sans même y réfléchir, sans même y mettre des mots.

Et puis, 2 mois et demi après le départ, les choses changent...  Je réalise que tous ces gestes de la vie quotidienne, je ne les ferai pas différemment si j'étais chez moi. Ce n'est pas réellement que je me sens chez moi c'est plutôt que je ne me sens pas, pas chez moi, vous saisissez la nuance ?
Nous n'avons plus de chez-nous mais partout où nous allons peut potentiellement le devenir pour quelques jours...
Pour nous ce n'était qu'une question de temps, 2 mois et demi pour se déraciner inconsciemment.
Nous espérons ne jamais oublier ce sentiment d'être chez soi avec juste un sac à dos, si simplement. D'autant plus que c'est un sentiment qui se mérite : il met du temps à venir alors qu'on ne l'attend même pas.

On a d'ailleurs réalisé que cette évolution se lisait sur le blog.
Au tout début, tout nous paraissait une découverte, nous listions chaque nouveauté : "Dans le bus on paye en sortant", "Les russes mettent leur alliance à la main droite", et puis peu à peu on s'immerge réellement et tout fait partie du quotidien, c'est en relisant de vieux articles que ça nous est apparu, il y aurait eu tellement de choses à lister si nous avions continué sur la même lancée...

Des repères partout
A un moment du voyage, j'ai envisagé de dresser une liste (subjective) de toutes les choses que l'on retrouve partout : les choses universelles. Parmi elles : les escalators OTIS, la barbe à papa, les paraboles, Angry Birds, les cercles lumineux qu'on vend pendant les feux d'artifice, le jeu Candy Crush, les ballons en hélium à l'image des personnages Disney, les kéké qui relèvent le col de leur polo, Apple, JC Decaux, les sonneries de téléphone portable, etc.

C'est tout bête mais ces petites choses font qu'on ne se sent jamais à des milliers de kilomètres de chez soi, elles font partie des réfèrences que l'on a toujours connues.
Bien évidemment il y a des moments où on est loin de tout ça (dans la forêt russe, dans une ferme en Chine, etc.) mais dès qu'on remettra le pied dans la ville voisine, on se sentira de nouveau appartenir à ce grand bain international, parfois c'est sécurisant de retrouver des repères, quels qu'ils soient, et parfois on aimerait juste fuir en courant...

Les repères peuvent aussi être des personnes : le même touriste que tu retrouves à plusieurs endroits, et ce grâce à votre ami commun, le lonely planet.
Si il y a bien une chose que nous avons appris durant ce voyage c'est que plus jamais nous n'achèterons un guide touristique. Au final nous n'avons utilisé celui du transsibérien que pour les plans, alors nous préférerons une bonne carte et à nous l'aventure !

Aujourd'hui, tout le monde a son Lonely Planet. La seule exception reste le voyageur français qui, parfois, continue à militer et à acheter son Guide du Routard. Le principe est identique : les infos sont exactement les mêmes, les "bon plans" sont les mêmes, et les rubriques "sortez des sentiers battus !" (un must pour tout guide que se respecte) sont également... les mêmes !
Cela modifie considérablement la carte du tourisme et on va maintenant quelque part parce qu'il y a quelque chose à y faire ou à y voir, pareillement on ne voudrait pas se sentir mal en visitant une ville sans faire le truc recommandé par le guide...
Le résultat est qu'on croise souvent les mêmes gens dans les mêmes hôtels, visitant les mêmes temples, allant siroter leur bière dans le bar trop underground du coin. Même dans la rue ou dans le bus, chacun est accroché à son guide, essayant de comprendre les moindres dates de l'histoire du pays qu'il visite, la meilleure chose à manger, les arnaques à éviter, etc. On a même vu des couples, avec chacun son guide !

Mais peut-être qu'après tout, le voyage, c'est aussi boire la pire bière dans un bar miteux, ne jamais trouver le resto qu'on avait repéré sur la carte, se retrouver sur l'autoroute alors qu'on voulait rejoindre le centre ville, bref, toutes ces aventures qui font qu'on s'en rappelle à coup sûr.
Chacun son voyage, nous sommes juste en train de dire que pour nous le Lonely c'est fini, ça peut donner des idées, aider à se projeter dans un voyage futur, mais ça doit rester à la maison, en plus c'est lourd dans le sac !

Si on veut continuer dans les extrêmes, quelques mots sur un archétype de voyageur-tête-à-claques que nous avons baptisé le "Jean-Marie", rencontré à diverses reprises dans diverses auberges de jeunesse... Le Jean-Marie a généralement entre 45 et 65 ans, il a tout vu, tout fait, connait les meilleurs bons plans dont tu n'as rien à faire, et veux te parler sans t'écouter, notamment de ce qu'est la vie et l'être humain (aux antipodes de tes propres conceptions).
Sa spécialité est de faire valoir le nombre de pays qu'il a traversé et la durée de ses voyages (mais ça malheureusement il n'est pas le seul, beaucoup d'autres pensionnaires de l'auberge renchériront...).
Plus jamais nous ne seront envieux ou impressionnés par une personne qui se targue de voyager depuis 1, 8 ou 15 ans, c'est sa vie, son choix, très certainement un mode de vie qui lui correspond, et quand on a trouvé son mode de vie, tout est facile, la durée importe peu, pas la peine de le faire valoir.

Sa bite et son couteau
L'expression est rigolote mais de quoi a-t-on vraiment besoin quand on voyage ?
Avant de partir nous avions réalisé un inventaire de tout ce que nous emmenions avec nous et il faut bien dire que beaucoup de choses étaient de trop...
Après la Russie et la Mongolie on s'est allégés en vêtements pour ne garder que 3 sous-vêtements, 1 T-shirt sans manches, 2 T-shirts longues manches, 1 veste, 1 pull et 2 pantalons chacun (+ 1 robe pour moi).

Plus on avançait et plus on avait envie d'être légers, nos matelas de sol ont alors été donnés, parce qu'on est jeunes et qu'on peut dormir sur nos vêtements au pire... Puis Clém est venue et repartie avec la tente, les oreillers, et des babioles... Au final nous avons 10 à 11kg chacun sur le dos et si c'était à refaire, on essaierait d'en avoir 6 à 8 et de partir avec de plus petits sacs.
Ce n'est pas évident à faire dès le départ, c'est nettement plus facile d'enlever au fur et à mesure, quand on est habitués à avoir peu, et que "un peu moins que peu" ne fait pas peur !

A aucun moment nous n'avons souffert d'avoir peu de choses, de devoir laver à chaque fois sa culotte ou son caleçon en prenant sa douche, au contraire, c'est souvent bien appréciable de ne pas devoir réfléchir à comment s'habiller. On est contents aussi d'avoir pris de vrais vêtements et pas de déguisements décathlon spécial-anti-transpiration-et-super-respirant-fluos, on se sent toujours un peu déguisés là dedans et on voulait voyager comme on est.

Mais voici nos petits tuyaux, ce que nous avons utilisé le plus pendant le voyage, on ne repartirait pas sans !
- Une boussole : en arrivant dans un nouvel endroit, sans carte, on repérait toujours sur internet en amont où la gare se situait par rapport au centre ville puis on marchait dans cette direction, infaillible.
- Du fil et une aiguille : j'ai passé un temps fou à raccommoder chaussettes, pantalons et T-shirts, j'étais partie avec du fil blanc, noir et gris et je les ai tous utilisés !
- Un mouchoir en tissus : plus pratique et moins lourd qu'un paquet de kleenex. On le lave sous la douche si besoin !
- Un carnet et un crayon : pour noter les idées, faire des batailles navales dans le train, dessiner la carte de France quand on nous demande d'où on vient, écrire le nom d'une ville imprononçable en cyrillique pour acheter des billets de train, etc.
- Une moustiquaire : qui nous a sauvé plusieurs nuits
- Une bouteille thermos : mieux qu'une gourde à nos yeux, même si un peu plus lourde. On était bien contents d'avoir du thé bien chaud en Russie et de l'eau bien fraiche au Cambodge !
- Notre boîte en inox pour les repas : Balou, mascotte de ce voyage, on ne compte plus le nombre de fois où on l'a utilisée pour stocker tout et n'importe quoi : beignets, mochis, nouilles, tofu puant, durian (le fruit qui pue). Elle fait sourire beaucoup de monde sur son passage car elle évoque des souvenirs d'enfance et de goûters à l'école, avant que les boîtes en plastique Hello Kitty et Angry Birds ne viennent tout remplacer...

Nous avons fait un voyage plutôt confortable, c'est à dire que souvent nous nous sommes payés le luxe d'une chambre double plutôt qu'un dortoir, un dessert au restaurant, une plaquette de chocolat en cas de blues,...
Le vrai routard, le baroudeur qui dépense au minimum, dort à la belle étoile, et fait du stop pour tous ses déplacements ce n'est clairement pas nous et nous ne l'avons pas rencontré (on aurait pourtant bien aimé).
En ville on s'est clairement fait plaisir, mais à la campagne on était tout aussi bien avec le strict minimum, c'est un équilibre qui nous a réussi.

Tester ses limites
Avant de partir, on a souvent répété que nous n'étions pas partis tester et repousser nos limites, on entendait par là que nous ne nous mettrions pas en danger par amour du risque, ou qu'on ne participerait pas à un concours de parapente, ce genre de choses.
Mais en fait, nos limites nous les avons tout de même testées, et parfois bien repoussées.
En voyage, on se retrouve souvent dans des situations délicates : un mal de ventre dans un bus cahotant, des toilettes qui éveillent les sens (autant la vue que l'odorat) sans papier, des bruits, des odeurs, des animaux, etc.

A un moment j'ai envisagé d'écrire un article s'intitulant "Être une femme en voyage", parce que là aussi on en apprend sur soi. Avoir ses règles en voyage ça peut vite être le calvaire, j'utilise une cup menstruelle et je me suis retrouvée à devoir la vider sans eau courante, en plein milieu de la forêt, pendant 4 jours... Ensuite il faut trouver un moyen de la stériliser pour le prochain cycle, et là bonjour la discrétion d'emprunter une casserole (si par bonheur l'auberge est pourvue d'une cuisine) et d'y plonger sa cup 5 minutes...

Je vois beaucoup de filles en voyages qui sont impeccablement épilées et je crie à l'injustice devant mes poils qui poussent, comment font-elles ? Pareil pour leurs magnifiques cheveux brillants quand les miens sont tout gras et raplaplas, "collés su'l tête" comme dirait ma mère.
Un jour j'ai compris : j'ai vu une de ces filles avec son épilateur électrique dans sa chambre. Non ce n'est pas inné, j'étais rassurée. 
Un autre jour je me suis fait une copine danoise qui se laisse pousser les poils et c'est comme ça et c'est tout, là j'étais décidée.

Résultat, quand on repousse ses limites parfois on est super fiers, parfois on en a ras le bol, et parfois on ne s'en rend même plus compte tant c'est passé dans le quotidien.
Pendant notre mois à Pun Pun nous n'avons pas du tout utilisé de papier toilette, parce que ce n'était pas inclus, que quand on est arrivés on n'en avait pas, et quand on aurait pu en acheter, on s'était habitués sans, à la manière thaï, CQFD.

Si c'était à refaire...
on referait tout pareil mais on ne serait pas contents !
Je m'explique. Ce que nous avons le plus apprécié dans ce voyage c'est ce sentiment de liberté totale que nous y avions : pas d'itinéraire fixé, pas de date butoir, une plage de temps infinie l'un pour l'autre, pas de trousseau de clé, pas de prélèvements sur le compte bancaire.
Mais ce qui nous a le plus fatigué c'est cette énergie du tiraillement comme on l'appelle entre nous : ne jamais savoir où on sera le mois prochain, ne pas avoir de cadre, penser au retour mais ne pas pouvoir le dater.

Vous l'aurez compris, c'est la contrepartie de cet affranchissement.
On a mis beaucoup d'énergie dans des discussions sur le comment et le pourquoi du retour. Un jour on regardait les billets pour l'Australie au mois d'Avril, le lendemain les terrains sur leboncoin.fr...
On a tellement oscillé entre l'envie de rentrer et de construire, et l'envie de continuer et de découvrir que ça nous a beaucoup fatigué, voire même carrément usé parfois. On savait que la décision de retour, il faudrait la prendre nous, que rien n'allait nous indiquer que c'était fini, et mine de rien je crois que ça nous a quand même mis une pression qu'on ne soupçonnait pas.

Pour nos prochains voyages, on partira dès que l'envie s'en fait sentir et plus 3 ans plus tard (même si on a adoré l'évolution de CE voyage et qu'on ne regrette rien), pour un projet précis, et on définira une date de retour pour avoir un cadre, parce qu'on a compris que c'est comme ça que nous fonctionnons.
Enfin on dit ça, mais on est à l'abri de rien...

Et maintenant...
On s'est beaucoup sentis avancer ces derniers mois, même si on ne savait pas toujours dans quelle direction géographique aller ! Le retour (c'est ce mot qui est mal approprié), c'est aussi une avancée, le début de nouvelles aventures, sans l'exotisme environnant.
On se sent plus confiants, on a eu un temps fou, sans aucune pression sociale et financière, pour réfléchir à ce que l'on veut faire de notre vie, et ça c'est plutôt rare et très constructif. 
On a re-découvert à quel point le voyage c'est beaucoup plus facile quand on y est que quand on l'imagine, on s'est fait de nouveaux amis, on a découvert de nouveaux légumes et de nouveaux fruits, de nouvelles langues...

Un jour j'ai demandé à Alex pourquoi nous voyagions au juste, il m'a répondu "Pour goûter".
Je pense que c'était tout à fait approprié. On goûte du bout des lèvres, juste pour voir si ça nous plait ou non et si oui, on approfondit. Nous, on a mis un pied dans le monde en gardant toujours l'autre au pays, chez nos amis, nos familles. Il est temps de rentrer pour retrouver le goût du thym et du laurier, qui nous ont tant manqués.

Ce blog ne sera pas abandonné, oh que non.
Nous avons tout un tas de projets à développer et nous viendrons en parler ici. Peut-être moins régulièrement, mais si la perspective d'en savoir plus sur les maisons en ballot de paille, la première épicerie sans déchets, la confection de son propre biogaz, le filage du lin, et tout ce qui bouillonne dans nos têtes en rapport à l'autonomie en milieu rural, vous intéresse, rendez-vous ici !
De ce fait, le nom du blog évolue... Voir ailleurs (si nous y sommes), devient maintenant Voir ailleurs pour mieux revenir.

A très vite (en vrai) !

2 commentaires:

  1. C'est très joli ce que vous dites sur le fait de retrouver le thym et le laurier...
    Je suis tellement heureuse de vous retrouver tout près.

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  2. Les Jean-Marie, ça existe en vrai?!
    Content que vous soyez rentrés

    RépondreSupprimer

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